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Conférence de Philippe Meirieu à l'AGN de Tours (juin 2018)
I. Une crise de l'éducation aujourd'hui « C'est véritablement une tâche
gigantesque qui se trouve assignée à chaque homme à tout instant. Il
s'agit de tenir sous contrôle ses préventions, son plein de désirs, de
pulsions, d'espoirs et d'intérêts, et suffisamment pour que l'autre ne
devienne pas invisible ou ne demeure pas invisible. Qu'on puisse donner
raison à l'autre, qu'on doive avoir tort contre soi-même et contre ses
propres intérêts, voilà qui n'est pas facile à comprendre. » « Pour commencer, il fallut d'abord
poser les lances. C'est ainsi que le clan, la tribu, les peuples ont su
– et c'est ainsi que, demain, dans notre monde dit civilisé, les
classes, les nations et aussi les individus doivent savoir – s'opposer
sans se massacrer et s'affronter sans se sacrifier les uns les autres.
(…) Les chroniques d'Arthur racontent comment le roi Arthur, avec
l'aide d'un charpentier de Cornouailles, inventa cette merveille de la
cour miraculeuse autour de laquelle les chevaliers ne se battirent plus. Les chevaliers de la table ronde devaient poser leurs lances sur la table ronde, c'est-à-dire déposer leurs armes, mais aussi leur violence. Cette symbolique permet de travailler ensemble, de discuter ensemble, de faire ensemble.
1. Dans une société où la réussite
individuelle est supposée contribuer spontanément à l'intérêt
collectif : l'Ecole doit travailler inlassablement à la mise en
place de formes de coopération qui profitent à tous et construisent du
commun. Le travail de celui qui va organiser la coopération, doit
donner assez de finalisation pour permettre au groupe d'apprendre
ensemble, mais en même temps ne doit pas empêcher de produire.
Construire un projet commun valorisant. Vigilance permanente pour
éviter l'individualisation ou la marginalisation. Freinet va créer les
brevets pour construire du coopératif avec comme objectif la
construction de chacun dans un projet commun. 2. Dans une société où la satisfaction pulsionnelle, l'attractivité et l'immédiateté l'emportent systématiquement sur la quête de la précision, de la justesse et de la vérité : l'Ecole doit travailler le sursis qui permet l'émergence de la pensée, l'entrée dans la réflexivité, le « nourrissage » par la culture. Voir travaux de Korczak. L'école doit permettre de donner du temps pour interroger, pour s'interroger et développer des apprentissages. 3. Dans une société où le consommable et l'obsolète l'emportent souvent dans le cadre d'une « pédagogie bancaire » : l'Ecole doit faire de la remise en chantier, du « travail vrai » sans cesse amélioré, de l'élaboration du « chef d'œuvre » dans « la patience d'atelier » …. la forme « normale » de l'évaluation, celle qui permet « non pas de devenir meilleur que les autres, mais meilleur que soi-même » 4. Dans une société de la virtualisation de l'économie, des échanges entre les humains et des échanges entre les humains et le monde : l'Ecole doit faire de la rencontre avec la résistance de l'objet et du dialogue avec lui une forme de travail essentielle, constitutive de la construction de l'attention et de l'entrée dans « l'œuvre ». L'enfant doit se confronter avec quelque chose qu'il doit faire. Or cela est essentiel pour que l'enfant puisse se confronter à la limite de sa toute puissance : exemple, faire construire un objet impossible (tabouret sans colle ni clou). Or le travail manuel est nécessaire pour le développement de l'enfant, et ne nuit pas au travail intellectuel. Toute activité a ses deux dimensions. Etre attentif est aujourd'hui très difficile car la conception d'un objet est vu que d'un point de vue exclusivement intellectuel. Or le manuel fait travailler les deux dimensions. 5. Dans une société où nous croyons pouvoir trouver notre satisfaction et satisfaire nos désirs dans la consommation de l'épuisable : l'Ecole doit permettre à chacune et à chacun d'accéder aux biens communs fondamentaux, ainsi que de trouver sa satisfaction et de satisfaire ses désirs dans le partage de l'inépuisable. Exemple le partage de la culture. Les enfants doivent trouver du plaisir dans le partage, le faire ensemble. D'où la coopération. C'est un enjeu de société majeur. Conclusion : enjeu : tenir
parole.
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