ÉDUCATION NOUVELLE

Définition
Cette expression désigne un courant de recherches diverses regroupant de nombreuses initiatives qui se sont succédé depuis la fin du XIXe siècle jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. Certains font remonter ses origines bien plus avant, ayant trouvé chez Montaigne, Rabelais et Rousseau des concordances de vue sur l'éducation entre ces grands penseurs et les pionniers de l'Éducation nouvelle.
Historique Les origines
Selon Philippe Meirieu, l'Éducation nouvelle trouve racine dans un faisceau de causalités : « l'internationalisme prolétarien (James Guillaume), la méthode expérimentale (Claude Bernard), le protestantisme (Ferdinand Buisson), et la laïcité (Jules Ferry) » (Meirieu, 2017). C'est au début du XXe siècle que se sont développées les différentes tendances de l'Éducation nouvelle. Des théoriciens de l'éducation comme Édouard Claparède, Adolphe Ferrière ou Robert Dottrens ont côtoyé des praticiens soucieux de redonner à l'enfant une place centrale dans l'école, et des médecins comme Ovide Decroly ou Maria Montessori ont tenu à appliquer concrètement dans des classes leurs idées novatrices en éducation. John Dewey, Friedrich Froebel, Johann Heinrich Pestalozzi, Jiddu Krishnamurti inspirent souvent les propositions de la Ligue internationale pour l'Éducation nouvelle (LIEN), créée en 1921. Des pédagogues aussi connus que Francisco Ferrer, Roger Cousinet, ou plus modestes, comme Paul Robin, sont généralement cités comme apparte­nant à cette mouvance. En 1922 est créé le GFEN (Groupe français d'Éducation nouvelle), section française de la LIEN.
Qu'y avait-il de commun entre les expériences menées par tous ces pédagogues ?
Une attention particulière à l'enfant, certes, mais aussi au respect de ses besoins, à son autonomie*, à la mixité et à la valorisation d'un retour à la nature.

Plus près de nous
Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement de l'Éducation nouvelle perd de sa dynamique (c'est en 1946 que se tient le dernier congrès de la LIEN).
Mais ses idées survivent, y compris dans la sphère publique, notamment, en France, à travers l'action de Roger Gal (fondateur de l'Institut pédagogique national en 1956), plus tard de Louis Legrand, d'Alain Savary. Catherine Dorison et Pierre Kahn (2o11) écrivent : « Précisons la nature de cette communauté de vues pédagogiques qui, aux dires mêmes de Legrand, existait entre lui et son prédécesseur [Roger Gal]. Elle trouve son ciment dans l'héritage partagé de l'éducation nouvelle, qui a constitué pour Legrand comme pour Gal le fonds commun de leur engagement pédagogique »
(p. 90).
Un coup d'arrêt brutal à cet élan sera donné par Chevènement en 1984.
Au niveau des militants, on notera la pérennité du GFEN, qui a été présidé notamment par Langevin, Wallon, Mialaret, et dont l'activité (formation des adultes, groupes de réflexion, diffusion des idées de l'Éducation nouvelle) ne s'est jamais interrompue jusqu'à aujourd'hui.
Depuis 2003, les différents mouvements nationaux d'Éducation nouvelle ont fait revivre l'ancienne Ligue internationale pour l'Éducation nouvelle sous le nom de Lien international de l'Éducation nouvelle, et organisent à nouveau des congrès internationaux tous les deux ou trois ans (dernier en date : les Rencontres de Genève, octobre 2017).

Freinet, l'ICEM* et l'Éducation nouvelle
Le premier congrès de la Ligue internationale pour l'Éducation nouvelle se réunit à Calais en 1921. Freinet participera à plusieurs des congrès suivants, dès celui de Montreux (1923). De celui de Nice en 1932, il reviendra déçu par les prises de position des participants (le congrès était dominé par la présence de Maria Montessori) : ils présentaient, selon lui, une pédagogie dégagée des contraintes sociales et politiques, qui ne semblait pas adaptée à sa petite école de Saint-Paul ni apte à répondre aux difficultés que rencontraient les enseignants. Dans son Éducateur prolétarien, il écrit : « Le Congrès fut un bon Congrès bourgeois. La Ligue tend malheureusement à prendre de plus en plus — et ses congrès de même — une allure officielle dans le monde capitaliste » (1932b, p. 7), et ne se prive pas de critiquer l'aspect formel de la manifestation et ses « tapis rouges » : « Il s'agit du congrès périodique de la Ligue, dont Adolphe Ferrière fut un des fondateurs. Association assez hétéroclite, où domine trop nettement l'élément anglo-saxon, avec une vague idéologie libérale et pacifique qui ne saurait nous agréer » (cité par Madeleine Freinet, 1997, p. 210).

On peut considérer que Freinet tourne définitivement le dos au GFEN en 1946¬1947, date à laquelle ses compagnons et lui fondent l'ICEM. Plus tard, il précisera : « Nous disons bien École* moderne et non École nouvelle parce que nous insistons beaucoup moins sur l'aspect nouveauté que sur celui d'adaptation aux nécessités de notre siècle. [...] Nous avons à faire naître l'avenir au sein du présent et du passé, ce qui nécessite non point un spectaculaire appel de nouveauté, mais de la prudence, de la méthode, de l'efficience et une grande humanité » (Freinet et Salengros, 1960, p. 5-6). Et en 1965, il écrit : « Nous éliminons volontiers de notre pédagogie le mot de nouvelle ; nous préférons le qualificatif de moderne, ou de modernisation, qui montre le souci constant des réformateurs à travers les siècles d'adapter leurs techniques aux nécessités et aux possibilités de l'époque » (Freinet, 1965c, p. 23).

Mais l'ICEM a toujours conservé des contacts avec les autres mouvements issus de l'Éducation nouvelle. Ces liens se sont institutionnalisés à travers le Comité de liaison des mouvements pédagogiques (CLIMOPE), créé en 1985, puis par le Collectif des associations partenaires de l'école (CAPE) depuis 2001 (site Coop'10EM, https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/2483).
En 2017, du 2 au 5 novembre, s'est tenue à Poitiers une première Biennale internationale de l'Éducation nouvelle, à l'initiative de six associations « s'inspirant de ses principes » : les CEMÉA (Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active), le GFEN, l'ICEM-Pédagogie Freinet, le CRAP-Cahiers pédagogiques (Centre de recherche et d'action pédagogiques), la FESPI (Fédération des établissements scolaires publics innovants) et la FI-CEMÉA (Fédération internationale des CEMÉA).

Pour aller plus loin

  • Célestin Freinet (1932b), « La force morale de notre groupe », L'Éducateur prolétarien, n° 1, octobre, p. 1-9.
  • Célestin Freinet et Roger Salengros (1960), Moderniser l'école, BEM, n° 4.
  • Georges Piaton (1974), La Pensée pédagogique de Célestin Freinet, Nouvelle recher­che, Privat.
  • Madeleine Freinet (1997), Élise et Célestin Freinet. Souvenirs de notre vie, Stock.
  • Laurent Guttierez (coord.) (2011), « Histoire du mouvement de l'éducation nouvelle», Carrefours de l'éducation, 1, n° 31 ; larges extraits en ligne sur le site Cairn.info, https://www.cairn.infoirevue-carrefours-de-l-education-2o11-1-p-3.htm.